Le cancer du poumon représente l’un des fléaux de santé publique les plus meurtriers à l’échelle mondiale. Avec près de 2 millions de nouveaux cas et 1,8 million de décès estimés en 2020 selon l’OMS, son taux de survie à 5 ans reste dramatiquement bas. Face à ce constat alarmant, des scientifiques du monde entier s’activent pour développer de nouvelles approches thérapeutiques aptes à combattre cette maladie redoutable.
Récemment, une avancée prometteuse est venue de l’Université Columbia. Dans une publication parue dans Nature Nanotechnology, le bio-ingénieur Ke Cheng présente les résultats révolutionnaires de ses travaux. Son équipe est parvenue à utiliser l’inhalation de nanobulles pour délivrer directement un ARN messager aux poumons de souris atteintes de cancer, avec des effets anti-tumoraux spectaculaires.

La problématique du cancer du poumon
Le cancer du poumon est considéré comme l’un des plus mortels au monde. La dernière décennie a vu son taux d’incidence bondir de près de 30%, atteignant désormais environ 2 millions de nouveaux cas par an selon les données de l’OMS. Pire encore, le taux de survie à 5 ans plafonne toujours sous la barre des 20 % dans la majorité des pays.
De tels chiffres donnent le vertige. Pourtant, les options thérapeutiques peinent encore à prendre le dessus sur cette maladie sournoise. La chimiothérapie ou la radiothérapie classique présentent une efficacité limitée, et s’accompagnent de nombreux effets secondaires dévastateurs. D’où l’urgence de développer de nouvelles armes, plus ciblées et moins toxiques, pour lutter contre ce fléau mondial.
Les nanobulles : une nouvelle approche
C’est précisément sur ce créneau porteur d’espoir que se positionnent les travaux du Pr Cheng de l’Université Columbia. Sa stratégie : utiliser des nanovésicules, appelées exosomes, comme vecteurs de médicaments anticancéreux.
Contrairement aux liposomes ou autres nanoparticules lipidiques déjà explorées en recherche, ces minuscules bulles présentent l’avantage d’être bien tolérées par l’organisme.
De plus, ils peuvent être chargés avec différents types de principes actifs, dont des brins d’ARN messagers comme celui codant la protéine immunostimulante IL-12. De quoi envisager un transport ciblé de médicaments pouvant révolutionner la prise en charge du cancer du poumon.
Mécanisme d’action innovant
L’approche développée par le Pr Cheng et son équipe innove par sa méthode d’administration de l’ARN messager codant l’IL-12. Plutôt que de l’injecter par voie intraveineuse avec tous les risques de diffusion et d’effets indésirables associés, ils ont eu l’ingénieuse idée de le vectoriser via des exosomes directement au niveau des poumons, par simple inhalation.
Une fois dans les voies respiratoires, ces nanobulles ont été capables de délivrer avec précision leur précieuse cargaison génétique au cœur même des cellules tumorales pulmonaires. Libérant alors les instructions pour synthétiser l’IL-12, une action ciblée et localisée a alors pu être enclenchée, épargnant les tissus sains adjacents.
Cette approche par inhalation confère ainsi le double avantage d’une concentration élevée d’IL-12 au sein des tumeurs visées, et d’une biodisponibilité moindre dans le reste de l’organisme, limitant les effets secondaires redoutés.
Avantages de la thérapie par inhalation
Par rapport aux méthodes conventionnelles d’injection intraveineuse de cytokines comme traitement anticancéreux, l’administration pulmonaire d’IL-12 par nanobulles offre au moins deux atouts majeurs.
Tout d’abord, la concentration finale d’IL-12 généré au contact direct des cellules tumorales dans les poumons est de loin supérieure suite à l’inhalation. Cette proximité physique potentialise l’action antitumorale de la molécule.
Ensuite, en limitant spatialement la production d’IL-12 aux tissus ciblés plutôt qu’à l’ensemble de l’organisme, cette approche par inhalation minimise drastiquement les effets secondaires associés (fièvre, atteintes hépatiques). Le spectre thérapeutique s’en trouve ainsi élargi.
Impact sur le système immunitaire
L’inhalation d’ARNm codant l’IL-12 via des nanobulles active de façon remarquable les défenses immunitaires au niveau des poumons. En stimulant la production locale d’IL-12 par les cellules tumorales ciblées, ce sont les lymphocytes T auxiliaires et les cellules NK (Natural Killers) qui se retrouvent stimulés.
Ces acteurs clés de l’immunité adaptative se muent alors en redoutables tueurs, armés pour reconnaître et éradiquer avec précision les cellules cancéreuses arborant l’antigène tumoral.
Ces cellules immunocompétentes développent en sus la capacité de mémoriser leurs nouvelles cibles. Une propriété qui leur permettra à l’avenir de contrer efficacement toute récidive éventuelle.

Potentiel de la thérapie contre les métastases
Outre l’action antitumorale locale sur les poumons, les chercheurs soupçonnent un potentiel plus large à cette thérapie par nanobulles. En effet, les lymphocytes et cellules NK, dont les capacités cytotoxiques se retrouvèrent stimulées au niveau pulmonaire pourraient ensuite migrer via le système sanguin ou lymphatique vers d’autres organes.
Et ainsi disséminer leurs redoutables talents acquis de traqueurs de cellules cancéreuses à travers tout l’organisme. Une propriété qui ferait de cette méthode d’immunothérapie ciblée une arme fatale contre le développement des métastases, responsables d’une immense majorité des décès liés au cancer.
Les résultats précliniques obtenus chez la souris semblent confirmer ce potentiel prometteur.
Simplicité et acceptation par les patients
Comparée aux injections pratiquées jusqu’à présent en clinique, directement au cœur de la tumeur via une seringue, l’inhalation de nanobulles chargées en ARNm thérapeutique fait figure de méthode futuriste.
Son administration est en effet d’une simplicité enfantine puisqu’il suffit au patient de respirer un aérosol contenant les précieux exosomes vecteurs. Un confort indéniable qui, couplé à une efficacité supérieure et des effets secondaires réduits, laisse présager d’une bien meilleure qualité de vie pendant le traitement pour les patients.
De quoi espérer une adhésion thérapeutique optimale, condition sine qua non pour vaincre la maladie.
Vers l’application clinique
Forts de ces résultats prometteurs obtenus chez la souris, le Pr Cheng et ses collaborateurs sont désormais déterminés à passer à la vitesse supérieure. Ils travaillent ainsi activement avec une équipe d’oncologues du Centre Médical Irving de l’Université Columbia, afin d’initier au plus vite un essai clinique chez des patients humains.
En cas de succès contre le cancer du poumon à ce stade, la technologie pourrait ensuite être étendue à d’autres formes de cancer. En effet, la modularité de l’approche, basée sur un transporteur universel (les exosomes) et un principe actif interchangeable (l’ARNm thérapeutique) est un atout de choix pour envisager de futures applications contre les cancers du sein, du côlon, etc.

Un espoir concret dans la guerre contre le cancer du poumon
En résumé, les travaux prometteurs du Pr Cheng et de son équipe de l’Université Columbia ouvrent la voie à une nouvelle ère dans la lutte contre le cancer du poumon. Leur technologie innovante de vectorisation d’ARN messagers thérapeutiques par des nanobulles inhalées cible spécifiquement les tumeurs pulmonaires, tout en épargnant les tissus sains.
Outre un effet antitumoral direct, cette immunothérapie stimule les défenses immunitaires de manière durable, aussi bien localement que dans tout l’organisme. De quoi envisager un bouclier efficace contre les récidives et métastases, talon d’Achille des traitements actuels.
Avec sa simplicité d’administration, cette approche par inhalation devrait considérablement améliorer la qualité de vie et le confort des patients pendant le traitement.
Si les essais cliniques s’avèrent concluants, cette avancée majeure pourrait non seulement révolutionner la prise en charge des cancers du poumon, mais également ouvrir la voie à des applications pour d’autres types de tumeurs.
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